Nous vivons une véritable transformation des attitudes à l’égard des dépenses déficitaires et de l’accumulation de la dette publique.
Au Canada, le gouvernement fédéral vient de déposer un budget qui prévoit un déficit de 154,7 milliards de dollars durant cet exercice après avoir accumulé un manque à gagner stupéfiant de 354,2 milliards de dollars l’an dernier pour lutter contre la pandémie. Dans le budget, le gouvernement a annoncé plus de 100 milliards de dollars de nouvelles dépenses au cours des trois prochaines années.
Aux États-Unis, le gouvernement fédéral se dirige vers un déficit budgétaire de 2,3 billions de dollars américains en 2021, selon les chiffres non-partisans du Congressional Budget Office. En plus des 4 billions de dollars de stimulus liés à la pandémie en 2020, l’administration Biden ajoute à la dette nationale le programme complet de relance post-COVID de 1,9 billion de dollars de cette année.
C’est une histoire similaire dans d’autres pays du monde où les gouvernements enregistrent des déficits élevés pour lutter contre la COVID et soutenir la reprise économique. Les banques centrales, pour leur part, injectent des liquidités dans les économies en maintenant des taux d’intérêt bas et grâce à des programmes d’achat d’obligations.
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Au Canada, les membres de la génération du baby-boom et les plus âgés se souviendront des efforts déployés au milieu des années 90 pour lutter contre les déficits grâce à des réductions draconiennes des dépenses. Ces souvenirs des années 80 et du début des années 90, souvent douloureux, car ils reflètent une ère d’inflation élevée et de taux d’intérêt punitifs.
Pendant un quart de siècle après la bataille victorieuse contre les déficits, les Canadiens ont été fiers des restrictions budgétaires qui ont conduit le Canada à avoir constamment le ratio dette-PIB le plus bas du G-7. Les lois sur l’équilibre budgétaire sont devenues à la mode.
Aujourd’hui, beaucoup se demandent peut-être si nous pourrions revenir à une inflation élevée, à un environnement de taux d’intérêt élevés et à une situation de dette publique intenable. Avant de nous attaquer à la probabilité de ce scénario, examinons ce qui a changé au cours du dernier quart de siècle.
D’abord et avant tout, l’inflation et les taux d’intérêt ont régulièrement baissé, réduisant les coûts du service de la dette publique. En fait, comme vous pouvez le voir dans cet article, les frais de la dette publique du Canada sont à un niveau historiquement bas, malgré la récente montée des déficits.
Deuxièmement, il y a eu un consensus virtuel parmi les décideurs et les économistes sur le fait que les dépenses de relance du gouvernement en réponse à la crise financière de 2008-09 étaient trop timides, ce qui a conduit à une longue et lente reprise. Les gouvernements sont déterminés à ne pas laisser cela se reproduire durant la crise de la COVID, quel que soit l’impact à court terme sur la dette nationale.
Troisièmement, il semble que les décideurs soient de plus en plus amoureux de la théorie monétaire moderne. Cette théorie énonce qu’un budget du gouvernement fédéral ne ressemble pas à un budget familial. La différence est que le gouvernement fédéral peut financer ses dépenses avec de l’argent créé par la banque centrale. La théorie postule que les déficits sont gérables tant que la croissance économique qu’ils génèrent n’est pas si forte que la demande dépasse la capacité, provoquant une forte inflation. Cette ligne de pensée semble avoir desserré les cordons de la bourse du gouvernement au Canada, aux États-Unis et en Europe.
Pour les investisseurs, la question clé est de savoir si toutes ces dépenses publiques combinées à une forte croissance économique vont déclencher une inflation galopante et une flambée des taux d’intérêt et / ou une hausse des impôts pour la contrôler.
De toute évidence, l’inflation a tendance à augmenter à court terme. La Banque du Canada s’attend désormais à ce qu’elle augmente de près de 3% dans les prochains mois, puis se rétablisse autour de son objectif de 2%, avant de recommencer à remonter en 2023 à 2,3%. Le marché obligataire a déjà réagi à la perspective d’une inflation modérément plus élevée, les taux d’intérêt se redressant ces derniers mois.
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À plus long terme, il n’existe pas de lien clair entre la dette publique d’une part, et l’inflation et la hausse des taux d’intérêt d’autre part. Au Canada, le rapport dette-PIB a atteint un sommet pendant la période de la Seconde Guerre mondiale, mais l’inflation est restée modérée jusque dans les années 1970. Un examen des taux d’intérêt historiques au Canada montre que les pics des années 80 et 90 étaient uniques dans l’histoire.
L’inflation est un phénomène complexe, mais le vieillissement de la population semble être un facteur déflationniste important. En effet, ces dernières années, les banques centrales se sont davantage concentrées sur la prévention de la déflation et la spirale de conséquences négatives qui l’accompagne.
Le marché obligataire s’attend actuellement à une inflation au cours des 30 prochaines années en moyenne de 1,7% par an au Canada et de 2,2% par an aux États-Unis. Ce chiffre est en hausse par rapport au creux atteint en mars 2020 de 0,8% et 1,3% au Canada et aux États-Unis, respectivement. Ainsi, le marché obligataire s’attend à une hausse de l’inflation à venir, mais ne s’attend pas à une flambée incontrôlable des prix sur le long terme. Si l’inflation commençait à augmenter plus que prévu, les banques centrales disposent des outils pour riposter.1
Quant à la dette nationale du Canada, elle demeure la plus faible du G-7 en pourcentage du PIB et est toujours bien en dessous des niveaux atteints au début des années 90 et pendant la période de la Seconde Guerre mondiale. Ottawa dit qu’elle tombera à 49,2% du PIB en 2025-2026, contre 51,2% cette année. (La dette représente plus de 100% du PIB aux États-Unis et plus de 260% au Japon.)1
Alors que les programmes de vaccination prennent de l’ampleur et que l’économie est appelée à croître fortement, le meilleur conseil sur l’inflation, les taux d’intérêt et la dette nationale est de rester calme et de continuer de suivre la situation. Nous allons voir comment les données à long terme évoluent avant de devenir trop inquiets.