Le budget fédéral 2024 annoncé le 16 avril aprovoqué d’importants bouleversements pour les investisseurs, les propriétaires de chalets et leurs comptables. L’augmentation proposée du taux d’inclusion des gains en capital à 66 et 2/3 % pousse tout le monde à faire des heures supplémentaires (au milieu d’une saison des impôts déjà chargée) afin d’essayer de trouver la meilleure recommandation à faire aux clients face au changement proposé.
Le fait de replacer les changements dans leur contexte historique permet de les mettre en perspective. Le Canada a introduit pour la première fois l’impôt sur les gains en capital en 1972, dix ans après que Diefenbaker ait nommé une Commission royale d’enquête sur la fiscalité, connue sous le nom de « Commission Carter ». La célèbre citation de Carter « Un dollar est un dollar est un dollar » résume parfaitement la recommandation de commencer à imposer les gains en capital, arguant que quelle que soit leur forme, les revenus de toutes sources devraient être imposés. La mise en œuvre de l’impôt sur les gains en capital a également suivi l’abolition de l’impôt sur les successions au Canada, l’argument étant qu’un impôt sur les gains en capital constituerait un moyen plus équitable et plus cohérent d’imposer les transferts de richesse que le régime antérieur de l’impôt sur les successions.
À l’origine, la Commission Carter avait recommandé d’imposer la totalité des gains en capital au taux marginal d’imposition du contribuable, mais le gouvernement de Pierre Trudeau n’a mis en place un impôt que sur la moitié des gains en capital réalisés. Ce taux d’inclusion de 50 % s’est maintenu jusqu’à ce que l’administration de Brian Mulroney le porte à 66 et 2/3 % en 1988, puis à nouveau à 75 % en 1990. Toutefois, sous le gouvernement Chrétien et le ministre des Finances Paul Martin, le taux d’inclusion a été ramené à 50 % au fil de l’année 2000, au motif qu’une réduction de l’impôt sur le capital inciterait les entreprises à investir davantage. Ainsi, depuis 52 ans que le Canada applique un impôt sur les gains en capital, 40 de ces années ont été marquées par un taux d’inclusion de 50 %, 10 par un taux de 75 % et seulement 2 (et ce n’est pas fini) par un taux de 66 et 2/3 %. Pour un historique plus approfondi de l’impôt sur les gains en capital au Canada, je recommande fortement cet article de 2021 rédigé par Catherine Brayley de Miller Thompson LLP.
Tous les Canadiens sont maintenant confrontés à une décision difficile : dois-je cristalliser mes gains en capital maintenant, au taux d’inclusion de 50 % en vigueur jusqu’au 25 juin 2024, ou dois-je continuer à reporter la réalisation du gain sur mon portefeuille personnel, mon portefeuille de société, ou mon chalet jusqu’à une date ultérieure, malgré le taux d’inclusion plus élevé à l’avenir ?
Pour les investissements personnels et les chalets, les nouvelles règles permettront que les premiers 250 000 $ de gains en capital réalisés chaque année continuent d’être imposés au taux d’inclusion de 50 %. Les gains supérieurs à 250 000 $ au cours d’une année donnée seront imposés au nouveau taux d’inclusion plus élevé. Ainsi, le taux d’imposition effectif le plus élevé sur les gains en capital de plus de 250 000 $ passe de 26,7 % à environ 35,7 % au Québec et en Ontario.
Pour les sociétés et les fiducies, il n’y aura pas de seuil de 250 000 $ comme pour les gains personnels. Chaque dollar de gain en capital dans une société ou une fiducie sera inclus dans le revenu au nouveau taux d’inclusion de 66 et 2/3 %.
Nous avons travaillé à modéliser l’impact de ces nouveaux taux d’inclusion, et plus particulièrement la question de savoir s’il est préférable de déclencher les gains en capital maintenant à des taux inférieurs ou de les reporter dans le futur à des taux plus élevés.
De toutes les variables que nous avons testées, la conclusion se résume à ceci : si vous êtes déjà dans les tranches d’imposition les plus élevées avant d’inclure vos gains en capital, il faut environ 8 ans pour atteindre le seuil de rentabilité. En d’autres termes, le fait de ne pas déclencher les gains et les impôts aujourd’hui, et donc de garder plus d’argent à investir, vous rapportera plus que le coût du taux d’inclusion plus élevé après environ 8 ans. Par ailleurs, si vous prévoyez de liquider vos investissements au cours des 8 prochaines années, vous devriez envisager de cristalliser les gains dès maintenant au taux d’inclusion plus bas. Si votre revenu (avant d’inclure les gains en capital) se situe dans des tranches d’imposition inférieures, le seuil de rentabilité peut s’étendre sur 12 ou 13 ans.
Les conclusions ci-dessus ne prennent en compte que les aspects quantitatifs, mais il convient également de considérer le risque politique inhérent à la décision. Le gouvernement libéral vient de séparer la disposition relative aux gains en capital du budget dans son propre projet de loi, distinct du reste du projet de loi d’exécution du budget. Ce projet de loi risque-t-il d’être rejeté ? Un futur gouvernement pourrait-il inverser l’augmentation du taux d’inclusion ? Malheureusement, les réponses à ces questions sont aujourd’hui inconnues.
Pour la plupart de nos clients, il vaut mieux ne rien faire et profiter du report continu des impôts jusqu’à plus tard dans leur vie d’investisseur. Par exemple, si le total des gains non réalisés sur vos comptes personnels non enregistrés est inférieur à 250 000 dollars, les nouvelles règles sont sans objet. Cependant, nous sommes occupés à examiner la situation de tous nos clients afin d’identifier ceux qui pourraient bénéficier d’un déclenchement des plus-values avant la date limite du 25 juin. Au fur et à mesure que nous étudierons ces scénarios, nous prendrons contact avec toutes les personnes concernées pour examiner les stratégies pertinentes.
En attendant, si vous avez des besoins importants dans votre portefeuille à court terme qui risquent de générer des gains conséquents, n’hésitez pas à nous contacter pour discuter de vos meilleures options.